À l’enseigne absente

Je consacre une partie de mes loisirs à l’impression de petites plaquettes en typographie. Les textes sont composés à la main, au plomb, et parfois illustrés de clichés polymères ou de linogravures. Les petites plaquettes que j’imprime sont publiées « à l’enseigne absente », maison d’édition dont le principal mérite est de n’avoir aucune existence réelle, mes livrets étant de simples présents destinés à mes amis.

D’abord installé dans une cave de la rue Marceau, à Tours, l’atelier est désormais établi à Bréhémont, dans un local plus grand, plus lumineux et à ce titre bien mieux adapté à la pratique de la typo.

Le nouvel atelier (en cours d’aménagement)
Premier atelier, dans une cave d’un immeuble de la rue Marceau, à Tours. L’éclairage était assuré par des spots de chantier.

Machines

Charlotte, la première presse

La première (et longtemps seule) presse de l’atelier a été acquise en 2019 auprès d’un couple de retraités américains installés dans la Sarthe, à Bouloire. Hasard ou providence, ce village est situé en plein dans la région d’origine de l’imprimeresse Charlotte Guillard (dont le frère Jean est précisément établi comme marchand à Bouloire). Il n’en fallait pas plus pour que cette petite presse trouve son nom : Charlotte. Il s’agit d’une petite presse platine de table de fabrication américaine, un modèle très courant de la firme Kelsey, le modèle Excelsior Victor. Ce type de « table top press » est typique des machines produites pour les amateurs outre Atlantique, et Kelsey est, de loin, le fabriquant qui a connu le plus grand succès dans ce domaine outre-Atlantique. Le numéro de série frappé sur le marbre du berceau (C687) doit être décodé ainsi :

C : format utile de la presse, en l’occurrence 6 x 10 pouces , soit environ 15 x 25 cm 
68 : année de production 
7  : mois de production 

La Charlotte a donc été produite à Meriden (Connecticut) en juillet 1968. Cette petite presse n’a que deux défauts : d’une part, elle ne permet d’imprimer que des formats réduits  ; d’autre part, la position du barreau à gauche oblige à manipuler les feuilles de la main droite, ce qui est incommode lorsque l’on a comme moi le malheur d’être gaucher. Il n’empêche : en dépit de son petit gabarit, il s’agit d’une machine remarquablement simple, fiable et efficace.

Chercelette, la presse à pédale

Depuis mars 2024, l’atelier dispose d’une seconde presse, Chercelette, ainsi baptisée en hommage à Mathieu Chercelé, pionnier de la typographie en Touraine. Cette presse a été préservée, entretenue et transmise par le Musée de l’Imprimerie de Bordeaux, qui s’est vu contraint de se séparer de ses collections en 2023, et c’est par l’intermédiaire de l’association berruyère des Mille univers (Merci Frédéric) qu’elle est parvenue jusqu’à moi. La marque inscrite sur la pédale étant presque effacée, j’ai cherché sans succès à retrouver cette presse dans les catalogues de fabricants français de matériels d’imprimerie, mais c’est finalement Eric Nunès (Imprimerie nationale) qui a identifié le modèle : il s’agit d’une Prouty Job Press, presse à pédale également d’origine américaine, conçue par George Prouty et produite à Boston entre 1879-1886. Son format utile est le même que celui de la Charlotte : 6 x 10 pouces. Cette presse n’avait, à l’évidence, pas tourné depuis quelques années et sa remise en service a nécessité un peu de travail. Il m’a en effet fallu un petit moment pour comprendre qu’elle avait été montée à l’envers (les deux axes principaux avaient été intervertis). Elle a donc été entièrement démontée, remontée et huilée. Elle est désormais pleinement opérationnelle.

Chercelette
La charmante mécanique de la Prouty Job Press.

Culbuto, le massicot

Venu de Bourges, un colossal massicot en fonte a fait son apparition dans l’atelier en même temps que Chercelette. Il date probablement des années 1880. Il porte la plaque d’Engelvin, revendeur de matériels d’imprimerie établi à cette époque au 81 boulevard Voltaire, à Paris, mais j’ai croisé à deux reprises un massicot de ce modèle revêtu d’une plaque de la société « A. Bertrand et fils », « fabrique de presses en tous genres » installée au 8 rue de l’abbaye à Paris (voir par exemple ici). Comme la firme Bertrand revendait aussi des modèles d’occasion, je ne sais pas avec certitude quel en est le fabricant. Cette imposante (et pesante : 600 à 700kg) machine a été baptisée Culbuto, à la suite d’un fâcheux incident de transport, qui nous a valu quelques sueurs froides et quatre heures d’efforts avant déchargement…

Liste des productions de l’atelier